Il regardait sa vie ce matin.
Là, entre deux pans de falaise,
il voyait l’érosion du sol, les plis
poreux des dolomies qui lui rappelaient le déclin de son œuvre, une lente
altération après des années d’ascension, de gloire et de culmination.
Un éboulis déposait à ses pieds
un tapis, un tas de regrets sur fond de tristesse, de colère, d’espoir à jamais
déflagré.
C’était l’effondrement des
belles années, d’une vie bâtie pierre par pierre qui laissait voir aujourd’hui
les fissures, les brèches des murs échancrés entaillés d’encoches de flèches,
les cicatrices du temps, des murs sur
glacis striés de plaies et de fractures. Depuis des siècles, l’histoire
révèle qu’aucune crête, aucun sommet, aucun
promontoire ne résiste au temps,
aux fêlures ni à l’usure
Ici, il avait la preuve que la
roche pouvait garder à tout jamais les
stigmates de ses blessures.
Imperméable aux émotions,
l’homme dont le cœur était recouvert d’écailles, mettait au jour ses failles,
des crevasses d’arrachement construites au fil des ans, la trace d’éboulements
successifs de tranches de vie que le
temps avait déversé durant des années dans un entonnoir de réception pour
bloquer en secret le flux, l’expression de ses émotions.
C’est ainsi que la vie fige parfois et pour longtemps le cœur de
certains hommes.
Oui, sa vie ressemblait à cette
falaise, une vallée morte où se renvoie
sans fin l’onde, la voix de Narcisse et
celle d’Echo qui rappelle l’orgueil d’un
homme, sa triste fin et son chaos !
En partant, il fit la promesse de serrer très fort sa petite fille dans ses bras.
(Texte de Régine Concato-Dougnol- tableau LAL- rencontre novembre 2022 les Sables d’Olonne)
Ce très beau texte a été inspiré par mon tableau Le Jour d'Après
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